26/04/2012

Cursos de LCP (jornal "Le Courrier").16 Abril

Les Portugais devront payer les cours de langue maternelle

LUNDI 16 AVRIL 2012 - Pauline Cancela

INTÉGRATION • A Genève, les parents lusitaniens se battent pour faire respecter le droit à l’enseignement gratuit du portugais en Suisse. Lisbonne invoque l’austérité budgétaire.
L’austérité en vigueur au Portugal déploie ses tentacules jusque dans les classes genevoises. Dès la rentrée de septembre, les écoliers d’origine lusitanienne devront payer leurs cours de langue et de culture d’origine (LCO), jusque-là entièrement financés par le gouvernement de Lisbonne, via ses ambassades. La nouvelle fait grincer les dents des parents portugais de Genève, qui dénoncent depuis deux ans la dégradation de l’enseignement.

Cet important outil d’intégration leur coûtera désormais 120 euros par année par enfant – contrairement aux cours d’espagnol qui restent gratuits malgré la crise. A un mois des inscriptions définitives, l’Association de parents d’élèves et éducateurs portugais Genève (APEEPG) espère encore faire plier le parlement portugais en leur faveur (lire ci-contre).

«Violation de la Constitution»

«C’est une violation de la Constitution», dénonce la présidente de l’APEEPG Carla Rocha. Les cent quarante membres de l’association tirent la sonnette d’alarme depuis février 2010, date à laquelle un premier lot de jeunes s’est retrouvé sans professeurs. A la fin 2011, le départ de quatre enseignants a laissé six cents élèves du bout du lac sans classe, sur une communauté de trois mille cinq cents enfants.

Si chaque élève a pu être replacé, il n’empêche que les classes sont aujourd’hui pleines à craquer. «Plus de trente enfants par salle!» se désole Carla Rocha. Selon elle, la qualité des cours laisse déjà à désirer depuis longtemps. «Les horaires sont inégalement répartis et rien ne garantit qu’un professeur va rester. Le matériel scolaire est conçu pour l’apprentissage d’une langue étrangère et non maternelle, c’est très dévalorisant.» Les parents payeront probablement leur dû, par pragmatisme, mais ils exigent une contrepartie: combien d’heures de cours, quels manuels, combien de professeurs? «On ne va pas payer pour ce statut quo», avertit Carla Rocha.

De son côté, le consul général du Portugal à Genève, Carlos Oliveira, est certain que «le financement des parents permettra une plus grande stabilité de l’offre et une qualité de l’enseignement améliorée. Il ne s’agit pas de grosses sommes, d’autant que le matériel scolaire est inclus, rappelle-t-il. Je crois que les parents ont très bien compris l’idée.» Pour le haut fonctionnaire, c’est le seul moyen de sauver les cours.

Meilleur contrôle du DIP

Heureusement, les petits Lusitaniens ont la chance d’avoir un soutien très fort du Département de l’instruction publique (DIP), bien qu’un financement de l’Etat genevois soit exclu. Ce dernier, avec les communes, leur fournit salles et support logistique. «La communauté portugaise est une des plus représentées dans nos écoles, sinon la première», relève la secrétaire générale Myriam Fridman, qui entretient une collaboration rapprochée avec le consulat. «Le DIP est convaincu de l’importance des langues d’origine, parce qu’elles favorisent la cohésion familiale et sociale, mais sont aussi un support important pour l’apprentissage du français.»

Depuis quelques années, les résultats de ces classes, toutes langues confondues, sont d’ailleurs ajoutés aux carnets de notes. Le département planche actuellement sur l’intégration des cours LCO dans la journée à l’accueil continu. Pour toutes ces raisons, les parents demandent aujourd’hui au canton d’exercer un plus grand contrôle sur les enseignements de langue maternelle. «Cela pourrait faire pression sur le Portugal», estime Carla Rocha.

Vingt profs licenciés en Suisse
Le ras-le-bol des parents portugais est national. Le 17 mars dernier, les représentants de la communauté lusitanienne et le syndicat Unia ont manifesté à Berne contre le «démantèlement» des cours LCO. Dans le même temps, les manifestants ont dénoncé le licenciement injustifié de vingt enseignants en Suisse – sur un effectif d’environ cent cinquante. «L’apprentissage de la langue portugaise est essentiel à l’intégration de la communauté», souligne la syndicaliste Marília Mendes. «Il permet à l’enfant de s’identifier et de rester en contact avec son pays d’origine.»
Un Comité citoyen pour la défense de l’enseignement du portugais en Suisse rassemble désormais les antennes cantonales de la communauté. Il s’attend à d’autres licenciements et estime à cinq mille deux cents le nombre d’enfants qui ne pourront plus apprendre leur langue maternelle en Suisse.
La colère est la même en France, relaye l’agence de presse Lusa. «Nous rencontrerons bientôt des associations venant d’autres pays européens», annonce Carla Rocha, présidente de l’Association de parents d’élèves et éducateurs portugais Genève. Les députés portugais se seraient saisis du dossier et pourraient aller dans leur sens, confie-t-elle. Une question de semaines. PCA

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